- 13 mai 2018, 11:55
#211108
Je t'ai répondu simplement car tu semblais chercher de l'approbation quant à cette lettre.
Je ne t'ai jamais dit de regretter ton geste (ça n'aurait aucun sens, ce qui est fait est fait), j'essayais simplement de t'aider à réfléchir sur ce qu'il s'était passé. Je le dis d'ailleurs avec suffisamment d'empathie que j'ai moi-même eu des "passions" amoureuses créées de toutes pièces, avec des hommes que je ne connaissais pas, ou peu. Je sais que tu vas me répondre que tu la connaissais : je ne crois vraiment pas qu'on puisse connaître quelqu'un quand on ne l'a pas côtoyé depuis des années.
En réalité, on peut vivre des choses très fortes sur des images qu'on se construit. C'est le discours de Proust, c'est celui de Barthes ; je ne nie pas que tes sentiments soient réels, mais ils s'appuient sur une image faussée de la réalité, sur des projections personnelles que tu mets sur une personne que tu as croisée à un moment dans ta vie.
Quand je lis que ça t'a pris trois ans pour écrire cette lettre, je ne te dis pas que c'est mal ou que tu dois le regretter ; j'essaie juste de te faire comprendre : mince, tu as perdu trois ans à réfléchir à une femme que tu ne connaissais pas pour lui envoyer un courrier qu'elle n'allait pas comprendre. Il ne s'agit pas d'être dans le jugement, il s'agit d'être dans l'analyse : que pouvais-tu espérer de ce courrier ? comment pouvait-elle réagir face à une déclaration venant d'un quasi inconnu ? ne crois-tu pas que ces trois ans auraient été mieux mis à profit si tu avais tenté de prendre contact avec elle, mais réellement, ou si tu avais pris contact avec d'autres femmes ?
La passion amoureuse est une belle idée, elle flatte tout ce que notre culture a de plus romantique. Mais surtout, elle s'appuie sur des ressorts de notre personnalité qui sont assez malades et qui nous font vivre des choses qui n'existent pas.
Maintenant, mon but n'est pas de t'enfoncer, je regrette juste que tu ne comprennes pas ce que j'essaie de dire, qui n'est en rien un jugement et qui est d'autant plus sincère de ma part que j'ai vécu des choses assez similaires dans le passé. J'essaie juste de te mettre en garde : c'est confortable de s'imaginer qu'on aime une personne qu'on ne connaît pas pendant des années, parce qu'on peut mettre sur cette personne toutes les qualités qu'on recherche, qu'on ne trouve chez personne d'autre (petit indice : les autres individus étant réels, ils sont nécessairement moins parfaits et intéressants). C'est un confort qui enferme, néanmoins ; la réalité nous fait comprendre que les gens ne sont pas ce qu'on imaginait, qu'on ne va pas forcément leur écrire de grandes déclarations d'amour mais que leur réalité est une qualité bien plus attirante que celles qu'on pouvait fantasmer.
Je ne t'ai jamais dit de regretter ton geste (ça n'aurait aucun sens, ce qui est fait est fait), j'essayais simplement de t'aider à réfléchir sur ce qu'il s'était passé. Je le dis d'ailleurs avec suffisamment d'empathie que j'ai moi-même eu des "passions" amoureuses créées de toutes pièces, avec des hommes que je ne connaissais pas, ou peu. Je sais que tu vas me répondre que tu la connaissais : je ne crois vraiment pas qu'on puisse connaître quelqu'un quand on ne l'a pas côtoyé depuis des années.
En réalité, on peut vivre des choses très fortes sur des images qu'on se construit. C'est le discours de Proust, c'est celui de Barthes ; je ne nie pas que tes sentiments soient réels, mais ils s'appuient sur une image faussée de la réalité, sur des projections personnelles que tu mets sur une personne que tu as croisée à un moment dans ta vie.
Quand je lis que ça t'a pris trois ans pour écrire cette lettre, je ne te dis pas que c'est mal ou que tu dois le regretter ; j'essaie juste de te faire comprendre : mince, tu as perdu trois ans à réfléchir à une femme que tu ne connaissais pas pour lui envoyer un courrier qu'elle n'allait pas comprendre. Il ne s'agit pas d'être dans le jugement, il s'agit d'être dans l'analyse : que pouvais-tu espérer de ce courrier ? comment pouvait-elle réagir face à une déclaration venant d'un quasi inconnu ? ne crois-tu pas que ces trois ans auraient été mieux mis à profit si tu avais tenté de prendre contact avec elle, mais réellement, ou si tu avais pris contact avec d'autres femmes ?
La passion amoureuse est une belle idée, elle flatte tout ce que notre culture a de plus romantique. Mais surtout, elle s'appuie sur des ressorts de notre personnalité qui sont assez malades et qui nous font vivre des choses qui n'existent pas.
Maintenant, mon but n'est pas de t'enfoncer, je regrette juste que tu ne comprennes pas ce que j'essaie de dire, qui n'est en rien un jugement et qui est d'autant plus sincère de ma part que j'ai vécu des choses assez similaires dans le passé. J'essaie juste de te mettre en garde : c'est confortable de s'imaginer qu'on aime une personne qu'on ne connaît pas pendant des années, parce qu'on peut mettre sur cette personne toutes les qualités qu'on recherche, qu'on ne trouve chez personne d'autre (petit indice : les autres individus étant réels, ils sont nécessairement moins parfaits et intéressants). C'est un confort qui enferme, néanmoins ; la réalité nous fait comprendre que les gens ne sont pas ce qu'on imaginait, qu'on ne va pas forcément leur écrire de grandes déclarations d'amour mais que leur réalité est une qualité bien plus attirante que celles qu'on pouvait fantasmer.