J'avoue avoir été très déprimé par la lecture de certaines propos sur ce sujet (et je trouve enfin la force de répondre maintenant), mais gardons-nous de lancer des noms d'oiseaux.
SnapBack a écrit :Lereveur a écrit :En attendant, sur ladite ZAD, un gamin de 21 ans a eu la main arrachée par une grenade.
J'espère que les soit-disants partisans de l'état de droit et de " l'ordre " sont fiers d'eux...
Quand des anarchistes (Black Blocks, certes) foutent le boxon le jour de la fête du travail en plein Paris, ce n'est guère mieux...
Si tu penses aux rares mais très médiatisés jets de cocktaïls molotov ou à certaines dégradations, la comparaison est hasardeuse... Pour autant que je sache, aucun CRS n'est mort, n'a perdu une main, ou un oeil, ou n'a été dans le coma... Je peux donner quelques exemples sourcés avec des blessures infligées à des manifestants complètement disproportionnées par rapport à la situation.
Tyrus a écrit :En fait tu pointes une fois encore le même problème: je continue de trouver invraisemblable le concept même de résister aux forces de l'ordre et d'ensuite venir se plaindre d'être blessé. A un moment faut assumer son combat, assumer que oui vous êtes hors la loi et que vous prenez des risques.
Le gouvernement va pas brûler un cierge chaque soir en espérant que les zadistes finiront par partir.
Et pour répondre à ta question: je ne serai jamais fier de voir quelqu'un blessé. Mais là je ne vais pas non plus pleurer sur son sort. Personne ne l'a forcé à venir, personne de l'a forcé à résister. C'était son choix, son combat. Il connaissait les risques.
JD99 a écrit :A ce qu'il parait des personnes cagoulées jetaient des pierres et des cocktails Molotov aux policiers. Quant on use de la violence, il ne faut pas s'étonner d'être blessé.
Même dans une démocratie qui fonctionnerait bien, il peut y avoir des débats houleux, des esprits qui s'échauffent, et quelques bobos, la nature humaine étant ce qu'elle est. Mais quand on cherche sciemment à blesser, violant au passage les règles qu'on est censé respecter (comme par exemple tirer des lacrymos en tir tendu - cad directement sur les gens - et pas en cloche), je ne vois plus le rapport avec un maintien de l'ordre qui soit acceptable sur le plan de l'éthique.
Et aujourd'hui il n'est même plus besoin d'être violent voire de participer à un mouvement de protestation pour être molesté :
https://www.20minutes.fr/societe/226878 ... re-prefete
(Et ce n'est qu'un unique exemple parmi d'autres. Je suis d'ailleurs allé récemment prendre un verre " de soutien " chez ce patron pour saluer son courage. Mais pour lui, ce n'est juste que du bon sens.)
SnapBack a écrit :Les gens étaient bien contents de voir des gendarmes et des policiers lors des attentats pour avoir de l'aide...
En 2015 je n'ai ni crié vive la police ni mort aux policiers. Protéger leurs concitoyens est juste leur fonction de base. Je m'inquiétais plutôt de la façon dont les politiques allaient se servir de l'émotion populaire pour donner un tour de vis sécuritaire. Hélas la suite m'a donné raison.
JD99 a écrit :Tu vois l'uniforme ou il y a un être humain. Les policiers ne sont pas des machines. Et la violence est une prérogative d'un état de droit (Max Weber, dans le Savant et la Politique), et je te citerai Blaise Pascal : la justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique.
Moi, je suis plutôt ébahi par le fait qu'il y ait si peu de blessés et la retenue des forces de l'ordre. Alors oui, il y a des pourris chez les policiers mais franchement, tu vois comment les forces de l'ordre se comportent aujourd'hui par rapport à il y a 30 ans (qui a dit Malik Oussekine ?), il y a un énorme progrès.
Bah c'est exactement le contraire que je reproche à bon nombre d'entre eux : ils
deviennent des machines, avec des résultats désastreux. De Milgram au discours final dans Le dictateur de Chaplin, en passant par la " banalité du mal " de Hannah Arendt, nombres d'esprits bien plus brillants que moi ont souligné le phénomène que je n'ai fait qu'observer en situation réelle (genre un seul CRS avec les larmes aux yeux tandis que tous ses collègues restent impassibles, voire violents, alors qu'ils sont en train de jeter à la rue, en plein hiver, des gamins, migrants en situation déjà précaire).
Et encore une fois à l'opposé, moi je m'étonne de la retenue des manifestants au regard des actes commis. Le nombre de blessés est plus élevé et lesdites blessures plus graves que tu sembles le croire. Quant aux progrès ça reste à voir : la méthode des voltigeurs qui a abouti à la mort d'Oussekine a justement été réutilisée par la BAC lors des manifestations contre la loi Travail.
Il y aurait d'ailleurs beaucoup à (re)dire sur la BAC ; contrairement à d'autres corps, je n'arrive pas à leur trouver la moindre excuse, avec leurs méthodes souvent illégales et leur comportement pleinement brutal : ceux-là
aiment tabasser. Niveau brutes de collège. Je m'étonne d'ailleurs un peu que ça ne fasse pas tiquer plus que cela sachant qu'ici nous sommes nombreux à avoir été victimes de ce genre de phénomène.
Sinon je sais bien que nous sommes des créatures faillibles, mais j'ai vécu plus d'une situation où il serait de mauvaise foi de soutenir qu'un comportement policier est une regrettable erreur, genre un tir de lacrymo contre des gens non violents ET s'éloignant : aucun comportement illégal, et aucune espèce de danger pour les fonctionnaires.
En la matière, j'ai assisté à la cerise sur le gâteau lors de la manifestation du 30 mai dernier contre les violences policières : une simple prise de parole avec banderole au sein d'un rassemblement statique devant la préfecture, aucun geste offensif, rien d'illégal, et pourtant, le discours n'a même pu se terminer : jet d'eau et lacrymos ont été envoyés. Aux oubliettes, la liberté d'expression de valeur constitutionnelle...
Je précise aussi que dans ce cas, j'ai poussé l'honnêteté à écrire à Reporterre pour faire rectifier leur article à ce sujet :
https://reporterre.net/Desarmons-la-pol ... n-a-Maxime
En effet, contrairement à ce que ce journal a initialement écrit (aucun jet de projectiles sur les policiers), j'ai bien vu de mes yeux l'une ou l'autre cannette voler. Mais seulement
après que les CRS soient entrés en action, et avec fort peu de force, de précision, ainsi qu'en très petit nombre. Qu'on ne dise pas que je sois enclin à altérer la réalité des faits.
Plus généralement, je souligne justement que je ne déballe pas de la propagande ici, mais des choses bien concrètes, du réel, vécus souvent à titre personnel, ou entendues via des personnes dignes de confiance.
Il est aussi bien de noter que je parle aussi en tant que " blanc issu d'une famille aisé " : la violence institutionnelle que je décris ici fait partie de la vie des quartiers " sensibles " depuis des années.
JD99 a écrit :Et bien, excusez moi du terme, mais ramasser une grenade, c'est vraiment être le premier (ou dernier ?) des c*ns. Je ne dis pas bien fait, mais là, c'est chercher un peu la m*%de...
Tu fais bien de préciser que tu ne dis pas " bien fait ", parce qu'au ton de certaines interventions, j'ai un peu cette impression... Qu'on ne soit pas d'accord est une chose, qu'on se réjouisse de telles blessures, une autre.
x00 a écrit :Sauf que pour un combat bien précis c'est compréhensible mais aujourd'hui les combats sont de plus en plus flous.
Tu demandes le droit de vote, tu te bats pour ça...
Aujourd'hui, par exemple la zad, le combat est plus que flou, surtout depuis l'abandon de l'aéroport. Pareil, pour les étudiants...
Je ne pense pas que le combat soit plus flou de nos jours : la liberté, la tolérance, la protection de l'environnement... Et plus concrètement, les solutions sont en bonne partie connues (partage des richesses, agriculture saine...).
Non, ce qui est flou, c'est le chemin à emprunter pour y parvenir : évoluer par la voie classique, institutionnelle ? Déclencher une révolution, comme cela s'est fait par le passé ?
La violence est d'ailleurs une question centrale qui me hante : on sait quand elle commence, pas quand elle finit, et elle peut nous emmener là où on ne veut surtout pas aller... Mais si toutes les protestations pacifiques ne changent fondamentalement rien à la direction qu'on nous impose d'en haut et qui nous emmène dans le mur, alors quoi ?
Je pense que les ZAD sont un début de réponse " équilibré ". Après, si le système cherche à écraser systématiquement ce genre d'expérience, tout en saccageant toutes les autres soupapes de sécurité (santé, protection sociale, etc.), mécaniquement on va se diriger vers le scénario où se tapera dessus. Comme je l'ai dit un jour sur la ZAD à des CRS, moi je n'ai pas envie qu'on se retrouve à s'entretuer... Mais que dire si on finit par être acculés à ce point ?