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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120321
Azrael a écrit :Pour avoir du non-style, Stendhal s empiffrait de code civil :D
J'adore ce genre d'anecdote, merci Azrael je ne savais pas :)
Stendhal est l'ancêtre du creative writing, cette écriture type "Harry Potter" où tout le travail de réécriture consiste à effacer au maximum les traces de l'auteur au profit du récit. En france, nous sommes culturellement très attaché à la tradition du style. Mais il est tout à fait possible de faire de la bonne litterature autrement, c'est même souhaitable quand une histoire ne nécessite pas d'effet stylistique.
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par Lux
Femme de 37 ans non vierge
#120341
Sauf que Stendhal avait du style, même si dans une optique naturaliste, je comprends qu'il ait voulu effacer au maximum les traces de l'auteur. Mais quand on lit Maupassant ou Zola, on ne peut pas nier que chacun a son propre style, une patte, dans la manière de raconter l'histoire, de construire ses phrases.
Ne pas faire trop d'effets de style est une chose ; écrire comme un catalogue la Redoute en est une autre.

Pour en revenir à la discussion avec Pierre, je ne dis pas que le public suit aveuglément ce qu'on lui dit d'aller voir — mais la publicité joue un grand rôle là-dedans, malgré tout. Je n'ai quasiment entendu personne dire du bien d'Avatar (si on exclut les effets spéciaux, mais bon, un film ce n'est pas QUE des effets spéciaux), et pour autant des tas de gens sont allés le voir. Il y a évidemment une part d'imprévu : le Waterworld de Gibson qui avait fait un four terrible dans les années 90 n'est absolument pas pire qu'Avatar, quand on le revoit avec le recul. Le public n'a pas accroché, mais ce n'est pas parce que c'était moins bon...

Je te rejoins sur la sincérité, ça fait beaucoup dans la qualité d'une oeuvre, qu'elle soit littéraire ou cinématographique. Et je te rejoins aussi sur la suprématie des bouquins face à la télé-poubelle, mais en même temps, je ne vois pas qui dit le contraire ;)
En revanche, je ne vois pas où tu veux en venir avec la comparaison avec les scénarios d'Hitchcock. Un scénario, déjà, ça ne vaut rien en soi : ce qui fait son intérêt, c'est la manière dont il va être mis en image (et Hitchcock n'a effectivement jamais brillé par ses scénarios ; c'est bien sa mise en scène, ses acteurs, ses plans qui en font un immense cinéaste). Par ailleurs, je ne suis pas sûre qu'on puisse juger un roman sur la structure de son intrigue... Le Da Vinci Code, c'est un mince de page-turner, et c'est une énorme daube. Parce que le style est là encore pas terrible (et encore une fois, juger le style ne signifie pas que j'attends que tout auteur de prose soit Proust, hein, mais c'est bien d'avoir une identité, quand même) et alors le propos est d'une bêtise... En fait, on part d'une aberration historique et artistique (De Vinci était gay et peignait ses acolytes androgynes, ni plus, ni moins) pour construire un propos supposément subversif et complètement tiré par les cheveux (retrouver la descendance d'un mec mort il y a 2000 ans et que l'Eglise, entité ultra puissante, a tenté de cacher depuis cette époque, c'est juste impossible et impensable — enfin sauf pour Dan Brown, visiblement). Je ne m'en cache pas, j'avais envie d'aller à la fin du livre quand je l'ai lu, mais ça n'en fait certainement pas un bon roman pour autant. La capacité à capter l'attention du lecteur et à créer du suspens n'est pas suffisante pour écrire un bon texte.
par Hyperion
ans
#120349
@ Pierre: peux tu m'indiquer le nom du bouquin que tu as mentionné?
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par Giles
Homme de 44 ans non vierge
#120353
Pierre, Lux,
J'aurais du mal à vous suivre, vous êtes clairement plus calés que moi en littérature.

Toutefois je vous trouve bien sévères avec nos contemporains. Il me semble au contraire qu'on n'a jamais autant lu. C'est peut-être le fait d'avoir grandi dans une famille où la lecture n'était pas encouragée, mais je constate de grands progrès : la plupart des gens que j'ai connus méprisant les livres sont aujourd'hui entichés de Lévy (bof), de Nothomb (j'aime bien mais c'est vrai que ça se répète), de Larsson (j'exècre)...

Quant aux jeunes, on n'a jamais autant vendu de livres jeunesse. Certes le marché est en pleine bulle et va finir par éclater un jour ou l'autre, mais tous ces bouquins vendus ne finissent pas sous une armoire pour caler un pied bancal !

Les 1,1 million de fans qui ont acheté Harry Potter 7 dans les deux premiers jours de sa sortie VF, ils ne se sont pas arrêtés là. Ils ont continué dans cette veine. On ne compte plus les témoignages de parents dont les enfants ne lisaient pas et qui se sont soudain mis à enquiller des bibliothèques entières. Mon propre cousin, qui articulait difficilement quelques mots de français au milieu d'une syntaxe à l'abandon, a quitté Rowling pour Tolkien, je garantis que ça a changé sa vie.

Bon, quant à Avatar, c'est un film sans âme, sans risque et sans intérêt (contrairement à Da Vinci Code, qui est un nanar hilarant sitôt qu'on a trouvé le bon angle pour le regarder). Attendez, pourquoi on parle d'Avatar...?
Bah, peu importe. Et pour la battle, moi, je suis partant :) .
par cidersky
Homme de 34 ans vierge
#120355
'' Mon propre cousin, qui articulait difficilement quelques mots de français au milieu d'une syntaxe à l'abandon, a quitté Rowling pour Tolkien, je garantis que ça a changé sa vie. ''

Vous le pensais vraiment ? que lire de simple livre permet de s'instruire à ce point, de passer d'une lexique pauvre de quelques mots à un lagunage soutenu d'après vos sous entendus.
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par mtair
45 ans vierge
#120357
Ben oui Cidersky, la littérature fait partie intégrante de la culture, donc si tu lis un livre avec un vocabulaire plus soutenu, tu enrichis ta culture et par la même occasion ton vocabulaire...
Sinon tu penses que le vocabulaire que l'on acquiert au cours de notre scolarité reste figé pour le restant de nos jours?
Dernière modification par mtair le 23 juil. 2014, 00:01, modifié 1 fois.
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par Giles
Homme de 44 ans non vierge
#120359
cidersky a écrit : Vous le pensais vraiment ? que lire de simple livre permet de s'instruire à ce point, de passer d'une lexique pauvre de quelques mots à un lagunage soutenu d'après vos sous entendus.
Ouh là, fais gaffe à ton orthographe, elle a tendance à se balader en dehors des sentiers battus... :)

Toutefois, non, je ne pense pas que lire Le Seigneur des anneaux suffise à transformer un jeune analphabète de 13 ans en Cyrano de Bergerac.

Je témoigne, toutefois, qu'après Tolkien (qui est d'un niveau littéraire autrement plus balèze que J. K. Rowling, qui n'est pas totalement honteuse pour autant), il a enchaîné, parce qu'il y avait pris goût. Les gros livres c'est comme les huîtres, on n'aime pas ça jusqu'à ce qu'on en ait mangé trois.
Il a donc enchaîné, sur mes bons conseils, sur Dune, Le Trône de fer (avant que la série ne pète des scores d'audience, les bouquins avaient déjà bonne réputation dans les milieux geek), L'Assassin royal, Les Princes d'Ambre, Hypérion (tiens, ça me rappelle quelqu'un...), le cycle des Robots, le cycle de Fondation, les annales du Disque-Monde, quelques Matheson et Bradbury pour combler les vides, et sûrement plein de trucs que j'oublie.

Alors certes, ce n'est pas du Proust, mais ça reste de la littérature intelligente et diablement bien écrite.
En un an, son vocabulaire avait triplé. Bon, je parle de ça, c'était il y a des années. Aujourd'hui il est grand, et c'est un taiseux, le cousin. Un travailleur manuel, un rude. N'empêche que quand il parle, c'est comme un livre qui sort de sa bouche ; les analyses sont poussées, l'intelligence transparaît.
Et je ne peux m'empêcher de penser que oui, c'est un peu grâce à Harry Potter.
par cidersky
Homme de 34 ans vierge
#120360
Merci pour la réponse et tant mieux pour lui :)

Excusez moi, pour l'orthographe etc, j'ai des lacunes dans ce domaine :| c'est pour pour cette raison là que je ne traîne pas sur ce genre de topic d'habitude xD

Sinon tu penses que le vocabulaire que l'on acquiert au cours de notre scolarité reste figé pour le restant de nos jours?

mtair

''Sinon tu penses que le vocabulaire que l'on acquiert au cours de notre scolarité reste figé pour le restant de nos jours?''

Pour répondre à la question, oui ! c'est ce que je pense inconsciemment sans doute.
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par Lux
Femme de 37 ans non vierge
#120368
Giles a écrit :Toutefois je vous trouve bien sévères avec nos contemporains. Il me semble au contraire qu'on n'a jamais autant lu.
Ah non, non, clairement pas. Je ne dis pas qu'il n'y a pas de best-sellers (ceci dit, Harry Potter ce n'est pas tout récent, ça a bien 15 ans maintenant !), mais il est clair, qu vu des chiffres de ventes, que les gens lisent beaucoup moins que par le passé. http://passouline.blog.lemonde.fr/2008/ ... de-livres/
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120374
Lux a écrit :je ne vois pas où tu veux en venir avec la comparaison avec les scénarios d'Hitchcock.
Oui, il me manquait des caractères pour aller au bout de ma démonstration.
Avoir le sens de l'intrigue et savoir créer des récits d'apparence organique (cad reproduire l'illusion que les personnages font ce qu'ils veulent, que ce sont de vrais humains avec un libre arbitre, tout en suivant une construction narrative complexe et optimisée pour tenir en haleine) sur commande comme pouvaient le faire des surdoués comme Vian, ce n'est pas donné à tout le monde. Analyser humblement des pages-turner permet au moins de limiter certains dégâts pour les apprentis écrivains.

Par exemple, il y a un truc que les éditeurs voient tout de suite, c'est si les rebondissements sont maîtrisés.

Je dirais qu'il y a quatre principaux niveaux de qualité technique pour un rebondissement dans une intrigue :

Le rebondissement loupé (ce type de rebondissement m'attriste, je t'en avais déjà parlé ;)) :
In extremis, l'auteur case en vrac les infos juste avant son coup de théâtre. Ça donne dans le pire des cas un truc du genre « Mais en fait, son meilleur ami le détestait depuis toujours, il était jaloux de sa réussite. C'est alors qu'il se jeta sur lui avec un couteau... ». Le lecteur a soudainement l'impression que c'est son petit cousin qui lui raconte l'histoire. Ne riez pas, les éditeurs reçoivent ça tous les jours.

Les infos in-extremis pour justifier un rebondissement c'est le mal ;)

Le rebondissement neutre :
« Boum », un retournement de situation apparaît. Le lecteur est passif, il ne fait que recevoir l'info.
Pas terrible d'un point de vue du suspense, mais dans le cas d'un roman social ça ne pose aucun problème. Du moment que le lecteur a d'autres choses pour le maintenir captif, tout va bien.

Le bon rebondissement :
Le lecteur se doutait bien qu'il allait se passer quelque chose, mais l'auteur a multiplié les fausses pistes pour créer la surprise.

Le rebondissement magistral
Vous voyez Fight Club ? Brad Pitt et Edward Norton sont en fait la même personne, et ça fait deux heures qu'on nous le dit mais on n'a pas été fichu de prendre ça au premier degré.
Pourquoi c'est si beau ? Sûrement car ça imite l'ironie dramatique de la vie : la grosse claque que l'on se prend, ça fait longtemps qu'elle était là, suspendu au dessus de notre tête. Mais on n'a pas été fichu d'y prêter attention.

Même s'il n'est pas toujours souhaitable de pratiquer le rebondissement magistral, très peu d'auteurs sont capables de gérer cette dernière forme de rebondissement. C'est un exercice cérébral intense de réussir à mettre dix fois devant le nez du lecteur ce qu'il découvrira avec étonnement deux cents pages plus loin. Et le brave Musso, il en est capable.
Une bonne partie des lettrés considèrent à tort que Musso est un tâcheron qui ne sait pas écrire. Mais essayez ce genre de "tour de magie" de l'écriture pour voir ce que ça donne avec vous.

Mais oui tout à fait, ce n'est évidemment pas la qualité technique de l'intrigue qui fait un bon livre. Tout comme ce n'est pas la qualité esthétique des dessins et du découpage qui feront une bonne bd. C'est juste une forme de politesse pour le lecteur, exactement comme un bon restaurateur ferait attention à la présentation des plats.
Le problème avec Musso, c'est qu'on repart le ventre vide et l'impression d'avoir perdu son temps. Mais c'est encore un jeune auteur, et ses livres s'améliorent tout de même. Qui sait ce qu'il écrira dans 20 ou 30 ans ?

@Hyperion : Il n'est plus dans ma bibliothèque. Mais si je retrouve le titre je te l'enverrai pas mp ;)
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