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par Phil1972
Homme de 51 ans vierge
#120385
A propos de Guillaume Musso, j'ai lu un de ses livres, par pure curiosité.
Il s'agit de "Et Après", qui est supposé être un roman à clef. Or, les ficelles narratives sont si énormes (en fait de ficelles, il s'agirait plutôt d'énormes cordages) que la clef est visible après 10 pages du livre. Du coup, la révélation finale tombe parfaitement à plat. Et en plus, c'est vraiment pas bien écrit (avis perso).

Le "Da Vinci Code" m'a fait hurler de rire sur bien des points. On peut citer le moine tueur albinos qui s'échappe d'une prison andoranne digne de la prison turque de Midnight Express... à la faveur d'un tremblement de terre. Pour info : 1) il n'y a pas de prison en Andorre, les détenus vont en France ou en Espagne et 2) les Pyrénées n'ont pas connu d'activité sismique depuis les dinosaures. Et je passe sur le redoutable "Maitre" de l'Opus Dei dont l'identité est si bien dissimulée qu'elle en devient évidente.

Si vous voulez lire un truc sympa et original, je recommande "Neverwhere" de Neil Gaiman. Son premier roman et le plus abordable (je suis fan de cet auteur et j'assume).
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120393
Oui « Et après », c'est super mauvais. C'est son premier je crois. A l 'époque je m'étais demandé comment des gens pouvaient lire un torchon pareil, mais il s'est heureusement amélioré ces dernières années.

C'est « Demain », qui m'avait impressionné par sa structure. Là j'ai compris pourquoi autant de gens pouvaient tourner les pages sans s'arrêter.

Le point de départ du bouquin :
Un homme veuf et une femme discutent entre deux espaces temps. L'univers est le même pour les deux personnages, mais l'homme est dans le présent et la femme vit un an plus tôt.

L'homme veut se servir de cette femme pour qu'elle sauve la vie de son épouse décédée un an plus tôt. Mais la femme déclare préférer laisser mourir son épouse afin de séduire cet homme avec qui elle aime discuter... Et se mettre en couple avec son double, celui qui vit un an plus tôt...

C'était super bien construit, et la fin était très difficile à deviner malgré les nombreuses allusions de l'auteur au fil du roman. J'ai trouvé que le petit jeu narratif du rebondissement magistral qui consiste à jouer avec la ligne rouge "jusqu'où puis-je aller pour mettre le dénouement devant les yeux du lecteur sans qu'il s'en aperçoive. Qu'il prenne mes appels du pied pour des allusions poétiques et des considérations abstraites, jusqu'au dénouement final où il sera à la fois surpris mais comprendra que cela devait arriver" était bien maîtrisé.

Mais bon, on parle vraiment de qualité dans la construction de l'intrigue. Car en terme de qualité littéraire, cet auteur devient très mauvais dès qu'il s'agit de parler des états d'âme de ses personnages xD
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par Phil1972
Homme de 51 ans vierge
#120394
Une bonne structure peut faire un livre tout pourri : le Da Vinci Code a une magnifique structure de "page turner", avec différents fils narratifs, des chapitres courts qui se terminent tous en clifhanger. Mais le bouquin ne fonctionne pas dans son ensemble.
Les ricains sont les champions du page-turners. Dan Simmons (pour ne citer que lui) utilise souvent une structure similaire.
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120395
On parlait de conseils d'écriture c'est pour ça que j'ai passé du temps sur l'intrigue. Je te rassure, il ne me serait pas venu à l'idée de parler de Musso si on parlait de bons bouquins :)
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par Lux
Femme de 37 ans non vierge
#120399
Mais en fait Pierre, on ne parle pas de la même chose.
La structure d'un roman, ce n'est pas ça qui m'intéresse. Ce n'est pas ça qui me fait lire et aimer la littérature. Quand je lis Madame Bovary, il n'y a aucun suspens qui me donne envie d'aller au bout, mais pourtant j'ai envie d'aller au bout, parce qu'il y a tellement plus que le simple désir de satisfaire sa curiosité...
Ce que tu évoques, à la rigueur ça peut fonctionner pour les policiers ou les romans à suspens (je n'ai pas beaucoup plus de considération pour les thrillers qu'on nous sort par paquets tous les moi que pour Musso ou Levy ; en revanche je respecte le polar, le vrai, qui nous parle de la société et de la condition humaine — pas pour rien que je citais Chainas il y a quelques pages). Mais pour la littérature "classique", franchement, ce n'est pas ça que je recherche. Ce que je recherche, c'est une histoire intéressante (et intéressante ne veut pas dire avec rebondissement ou parfaitement huilée : les romans, ça parle de la vie aussi, et parfois la vie, ça ne rebondit pas, ou du moins pas dans le sens où on le voudrait), un style ou du moins, une manière personnelle de raconter une histoire, et surtout la possibilité d'aller du particulier à l'universel.
Si je devais dire ce qui m'attire le plus dans la littérature, c'est ça : qu'à travers une histoire individuelle, je réussisse à ressentir des choses et à apprendre sur le monde, sur moi-même, sur les relations humaines, etc. Ce n'est pas pour rien si je travaille sur la littérature médiévale, capable de parler de l'intime à des individus du XXIe siècle, alors même qu'elle a été écrite il y a plus de 800 ans...
Tu vois, l'exemple de Fight Club est parlant : c'est de l'esbroufe, rien de plus. Tout le monde adore ce film parce que c'est prétendument trop rebelle (critiquer la société de consommation quand on est à plein dedans, c'est tellement facile...) et que le twist final impressionne, mais ce n'est rien de plus qu'un twist. Le film reste vide — et je préfère largement un film qui n'a pas besoin de me mettre un rebondissement final de fou mais qui m'apporte quelque chose et me parle réellement du monde, de moi, des êtres humains en général, ce qu'à mon sens Fight Club ne fait pas.
Tes règles, à mon sens, fonctionnent si on évoque la question des films/livres à suspens. Mais sinon... y'a tellement plus à ressortir d'un livre ! Belle du Seigneur qui est probablement mon roman préféré, s'assoit admirablement sur toutes les règles que tu as édictées ; l'intrigue n'est pas linéaire, il n'y a pas de rebondissement, il y a de gros ralentissements qui ne sont pas forcément justifiés par l'intrigue, etc. Et pourtant, c'est un chef d'oeuvre. Da Vinci Code, c'est réussi, en termes d'intrigue, mais c'est une daube.
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120401
Lux a écrit :Belle du Seigneur qui est probablement mon roman préféré, s'assoit admirablement sur toutes les règles que tu as édictées ; l'intrigue n'est pas linéaire, il n'y a pas de rebondissement
Faux faux faux archi faux ! Belle du Seigneur my god, c'est un chef d'oeuvre de suspense oui !
Avec des twists de fous et des rebondissements qui jouent avec l'ironie dramatique.

Ce n'est pas parcequ'il y a une latence sourde et longue entre chaque grosse claque que tu peux définir l'intrigue comme plate ! Rien que la scène du « suicide » d'Adrien Deume respecte tous les codes du rebondissement magistral de Fight Club !

Belle du Seigneur franchement, tu m'aurait dit Proust, ok. Mais là tu cites ZEU page-turner de la mort :)

Allez, allez, pas de snobisme pour la structure dramatique. C'est du boulot mais ça vaut le coup de s'y intéresser.
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par Lux
Femme de 37 ans non vierge
#120412
Pierre a écrit :Allez, allez, pas de snobisme pour la structure dramatique. C'est du boulot mais ça vaut le coup de s'y intéresser.
Donc quand les gens ne sont pas d'accord avec toi, c'est du snobisme ?...
Je suis désolée mais non : ce qui m'intéresse dans la littérature, ce n'est pas la structure dramatique, comme tu dis.
Je ne dis pas que ce n'est pas intéressant, je dis juste que pour moi c'est accessoire, et que c'est un critère opérant pour les romans à suspens, mais pas les autres.

Quant à Belle du Seigneur, encore une fois, pas d'accord du tout. Il y a des tas de pages qui n'ont aucun rapport avec l'intrigue elle-même ou qui peuvent passer pour des digressions ; par ailleurs le roman ne fait jamais un mystère du déroulement global de l'histoire (Solal prophétise plusieurs fois la séduction d'Ariane et le malheur de leur sort commun)...
Franchement, quand tu penses à ce roman, la première chose que tu te dis c'est "wahou, le suicide de Deume, je l'avais pas vu venir !" ?! Parce que moi, pas du tout. Je pense d'abord et avant tout au style ou plutôt devrais-je dire, aux différents styles mis en place pour évoquer les différentes intériorités des personnages, au fait que c'est aussi bien un magnifique roman d'amour qu'un texte cruel sur les illusions amoureuses, à l'intelligence de l'évocation de la société de l'époque (Ariane heureuse et amoureuse, mais triste d'être exclue des mondanités qui étaient les siennes), etc.
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120419
Lux a écrit :Donc quand les gens ne sont pas d'accord avec toi, c'est du snobisme ?...
Pardon désolé xD
Je ne te trouves pas snob du tout, c'était une boutade.
Nous ne sommes pas d'accord mais j'aime beaucoup cette discussion !

En fait l'intrigue c'est un travail ingrat. Car le lecteur oubliera les ficelles utilisées, il dira (à raison) qu'il a aimé le livre pour telle ou telle raison et oubliera tout le ciment autour des pierres. Mais c'est l'intrigue qui permet à l'ensemble de fonctionner aussi bien.
Je comprends pourquoi tu ne vois pas la force des intrigues et des rebondissements des romans qui te plaisent. Madame Bovary et Belle du Seigneur se basent sur un suspense de type "méfie toi de l'eau qui dort".
Pourtant je t'assure, la correspondance de Flaubert montre qu'il en a bavé pour construire l'intrigue de Madame Bovary. Et ne parlons pas de Cohen, qui a minutieusement corrigé ses versions pendant sept ans pour Belle du Seigneur.

Tous deux jouent sur le fait que lecteur espérera naïvement voir les choses s'améliorer, malgré les eaux qui s'assombrissent pour les personnages. C'est assez irrationnel mais ça reste du suspense, et du grand.
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par Lux
Femme de 37 ans non vierge
#120420
Je n'ai certainement pas dit qu'il n'y avait pas eu de construction préalable à ces deux romans, qu'il n'y a pas eu un travail sur la manière dont les événements s'enchaînent, etc. Mais ça, on va dire que c'est la base : il est logique de penser à un déroulement des événements quand on veut raconter une histoire.
Je réfute simplement que ce serait à elle seule une preuve de talent. Parce que les page-turners sont loin d'être tous des romans de qualité, et à mon sens tout (ou presque) sépare Madame Bovary du Da Vinci Code, même si dans les deux cas il y a eu quelqu'un qui a réfléchi au déroulement de l'intrigue.
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par Pierre
Homme de 40 ans non vierge
#120423
En fait on est d'accord sur les qualités littéraires. Je parle de techniques d'intrigue et rien d'autre.

Pour Belle du Seigneur, Cohen hameçonne le lecteur dès le départ :

Une femme rejette un clochard.
Le clochard lui dit qu'il reviendra, qu'elle ne le reconnaîtra pas, qu'il la séduira, qu'il sera le plus grand amour de sa vie et qu'il la fera souffrir.

Après un truc pareil, le lecteur veut savoir comment il va s'y prendre.
Et c'est exactement la même corde que titille un Levy en quatrième de couverture : « Mais comment vont ils finir ensemble ?».
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