J'hésitais à poster ceci ici, ou dans le topic du Covid... Mais comme finalement, ça évoque plus mon humeur qu'un descriptif clair et précis de tout ce qui se passe dans la fonction publique régionale en ce moment, ce sera ici.
salambo a écrit : ↑03 avr. 2020, 08:28
Plus de réveil de mon côté... en pratique je me réveille naturellement vers 8h, au lieu des 6h45 habituel, mais en télétravail je commence ma journée quasi au même moment. Mais sans le côté stressant du réveil, c'est vraiment top!
C'est assez rigolo, mais c'est un détail qui ne semble pas effleurer l'esprit de mes collègues qui sont en télétravail.
Nous sommes trois, sur un bâtiment d'une grosse centaine, à devoir nous rendre au bureau.
Paradoxalement, nous sommes totalement fliqués par nos chefs, qui en profitent d'ailleurs pour réclamer que nous soignions notre productivité...
Sauf que, dans la fonction publique (wallonne), l'amalgame entre télétravail et vacances est factuel.
Évidemment, mes deux collègues et moi, nous râlons, d'autant que certains ont également bénéficié de régime de faveur, à savoir que bien que techniquement dans l'impossibilité de faire du télétravail, mais malgré tout dans la mesure de respecter la fameuse distanciation sociale, et contrairement à nous qui continuons à bosser, à un rythme plus soutenu qu'avant, ils ont bénéficié d'une dispense de service. Ainsi, ils sont chez eux, sans bosser, mais payés plein tarif.
Dans tout cela, ce qui me pèse le plus, c'est le comportement de collègues d'ordinaires corrects, qui depuis le début du confinement en deviennent totalement méprisants avec nous trois. L'un d'eux, par exemple qui bénéficiait avant le confinement, d'une journée de télétravail hebdomadaire, nous avait répété à loisir qu'en télétravail, il est incapable d'être productif, parce que la connexion au réseau de notre direction générale est très lente. Or, désormais, il semblerait que comme par magie, d'après ses dires, il serait devenu ultra productif. D'après ses propres mots, en une demi-journée, il en fait certainement bien plus que moi sur la semaine...
Ils sont plusieurs à prétendre qu'au bureau, nous n'en foutons pas une, alors qu'eux, devant leur pc, se saigneraient. Ils oublient que tous les trois, nous prenons le risque de sortir, de faire des trajets, de croiser des gens. Les bureaux sont vide, mais nous recevons les livraisons, même celle des départements dont nous ne faisons pas partie. Un de mes collègues est d'ailleurs le correspondant immobilier, c'est à dire qu'en plus de ses attributions, il est responsable de la gestion du bâtiment. Du coup, on croise également les techniciens des différentes entreprises (Qui elles ne se sont pas arrêtées de tourner...), qui interviennent pour la maintenance des ascenseurs, le lavage des vitres, la réparation de la ventilation, etc, etc...
Je n'ai pas vraiment peur de cette maladie, et je n'irai jamais prétendre que mes deux collègues et moi avons une situation moins confortable que d'autres. Je l'ai dit plus haut, nous sommes dans la fonction publique, notre activité est maintenue, nous percevons notre salaire, nous sommes très loin d'être exposés comme dans d'autres secteurs, et même si notre charge de travail a augmenté au point que la fatigue se fait doucement sentir après trois semaines, nous sommes évidemment très loin du stress et de l'épuisement auxquels d'autres personnes sont actuellement soumis.
Mais contrairement à nos collègues en télétravail, et sans tenir compte du fait que nous devons en faire plus que d'ordinaire au bureau, nous ne sommes pas confinés. Nous prenons un risque (C'est d'autant plus vrai pour mes deux collègues dont l'un à 64 ans et vit avec sa femme qui a un cancer, et l'autre vit avec deux parents octogénaires. Le collègue "productif" que j'ai évoqué plus haut a 35 ans, et vit avec sa femme de 28 ans et sa fille de 3 ans.), et nous nous déplaçons. Dès lors, cette manière de nous traiter avec condescendance me fout simplement la gerbe. J'ai encore plus de mal à digérer ces comportements en regard de différents témoignages, notamment de personnes qui actuellement n'ont plus la moindre rentrée d'argent, du personnel de la grande distribution, ou encore à plus forte raison d'infirmiers et d'infirmières.
Je ne nie pas l'importance du télétravail. Mais le confort qu'il apporte en ce moment à certains est totalement indécent.
D'ordinaire, j'ai déjà un regard très critique sur le staff qui gère le travail dans mon département. Ils ne travaillent guère, et c'est un euphémisme, tout en bénéficiant des nombreux avantages de la fonction publique, pour un salaire très confortable. On caricature souvent en imaginant que la fonction publique paye mal en Belgique. Pourtant, si vous avez la chance d'être niveau A, ce qui représente quand même plus du tiers des fonctionnaires, vous décrocherez le jackpot. En regard des heures prestées, ça paye nettement mieux que dans le privé. Ceci ne s'applique par contre pas pour les niveaux B et C.
En télétravail, ils n'ont même plus l'obligation de glander au bureau. Au contraire, ils peuvent le faire confortablement de chez eux.
Cette pandémie est un profond révélateur des qualités humaines des uns et des autres.
Ainsi, je ne peux pas non plus dire que l'intégralité de mes collègues profitent de la situation. La collègue qui d'ordinaire est déjà la plus investie et la plus productive au bureau l'est également depuis son domicile (Dans la mesure des limitations techniques). Si elle bosse correctement, c'est parce qu'elle est ainsi, parce qu'elle a un minimum de conscience professionnelle. Ceci dit, l'autre jour, elle m'expliquait qu'elle commençait à avoir du mal à digérer le fait que d'autres trichent avec leur statut sur "Teams" (Merci Microsoft...), et jouent avec leur disponibilité. (Il apparait que dans la fonction publique, en télétravail, sur 7h36 de travail par jour, il ne faudrait se rendre disponible que deux durant deux plages de deux heures. Autrement dit, prester 4h pour être payé 7h36.)
Il est évident que ceux qui cherchent à tirer au flan en temps normal en remettent une couche en ce moment. Ceux qui sont disciplinés et appliqués en télétravail sont également ceux qui le sont au bureau.
Dans mon administration, on voit aussi les solidarités se faire arrangeantes, ce qui traduit en fait un profond égoïsme. Si les niveaux C se serrent les coudes au bureau, vu qu'actuellement ils bénéficient du même régime en télétravail que les niveaux A, ils nous disent carrément que ceux-ci sont vraiment super compétents (Ils sont pourtant les plus prompts à les incendier lorsque la situation est normale...)... Aussi compétents qu'ils sont soudainement devenus productifs.
Bref, c'est un peu le règne de l'hypocrisie, de la lâcheté, du chacun pour soi...
Sauf avec mes deux collègues. Je savais déjà depuis longtemps qu'ils sont de loin les plus braves de mon bureau. Je prends conscience qu'ils ont des principes, et sont bien plus réglos et courageux que les 50 autres personnes de mon département.
J'ignore à quel point l'attitude de mes collègues en télétravail est plus représentative d'une mentalité typique au secteur public qu'au privé. Toujours est-il qu'en plus des écarts concernant la quantité de travail, le fait de ne pas faire le moindre effort pour en améliorer la qualité est aussi particulièrement cristallisé en ce moment.
Mercredi, j'ai vraiment pris un gros coup au moral niveau taf. J'avais beaucoup de respect pour mes collègues, qui en dehors de leurs défauts purement professionnels étaient des personnes avec lesquelles je m'entendais réellement bien pour la plupart. A défaut de faire le travail le plus épanouissant du monde, je me contente d'une bonne ambiance. Sauf que je ne vais pas pouvoir oublier ce beaucoup ont laissé entrevoir en situation de crise (Qui ne devrait franchement qu'être qu'une crisounette vu le confort évoqué plus haut.). Si j'étais déjà sûr de ne pas vouloir passer l'intégralité ma carrière là, aujourd'hui, ça me parait évident. A la moindre occasion, je me barrerai. Et j'espère pouvoir tôt ou tard monter mon projet, histoire de faire en sorte de faire valoir mes règles, et mes principes.