Azrael a écrit :Lux a écrit :Et pour la seconde fois, comment se fait-il que vous ne soyez pas des mâles alpha qui ont tout réussi, si nos différences font de nous des êtres qui ont des qualités spécifiques depuis la naissance ? Je m'en étonne.
Tu adhères au concept de mâle alpha, et à celui de "tout réussir" (et le plus vite possible aussi peut-être)? Si ce n'est pas le cas, je ne vois pas bien l'intérêt de la question.
Je n'ai jamais dit que j'y adhérais, je suis simplement votre idée : si les hommes sont guidés par leur biologie, leur testostérone, alors je ne comprends pas pourquoi certains n'aiment pas la guerre et ne sont pas de genre masculin, par exemple. Ou alors il faudrait considérer que ceux qui dévient du chemin habituel ont des défauts génétiques ; il me semble pourtant qu'être VT ou ne pas aimer la guerre n'aient rien à voir avec le niveau de testostérone...
Pasta a écrit :
Donc tu considères que les femmes ne sont pas capables à l’heure actuelle de prendre des décisions par elles-mêmes ?
Ta mauvaise foi finira par te perdre, Pasta, mais puisque tu veux jouer à l'idiot, eh bien reprenons tout depuis le début.
Oui, je pense que les hommes comme les femmes sont élevés avec des valeurs et des aspirations différentes, qu'on apprend davantage aux hommes à sortir de la maison, à faire des travaux manuels, qu'on apprend davantage aux femmes à rester à l'intérieur et à s'occuper des autres, à dessiner plutôt qu'à courir.
Même lorsque les enfants sont des bébés, on remarque déjà des discours qui vont dans ce sens-là : un petit bébé garçon agité est "tonique", un petit bébé fille agité "a un problème, va finir hyperactive". Les exemples sont légion et comme je n'imagine pas réinventer la roue, je t'invite à aller lire ce texte (et tu peux aussi lire tout le blog, tiens) :
https://cafaitgenre.org/2014/11/11/le-g ... veut-dire/
La première démarche des études sur le genre a été de faire éclater les visions essentialistes de la différence des sexes, qui consistent à attribuer des caractéristiques immuables aux femmes et aux hommes en fonction, le plus souvent, de leurs caractéristiques biologiques. La perspective anti-essentialiste est au coeur de la démarche de Simone de Beauvoir, quand elle écrit dans Le deuxième sexe, en 1949: « On ne naît pas femme: on le devient ». Il n’y a pas d’essence de la « féminité », ni d’ailleurs de la « masculinité », mais un apprentissage tout au long de la vie des comportements socialement attendus d’une femme et d’un homme. Autrement dit, les différence systématiques entre femmes et hommes ne sont pas le produit d’un déterminisme biologique, mais bien d’une construction sociale.
Cela ne signifie pas que les hommes et les femmes sont stupides et ne savent pas réfléchir pour eux-mêmes. Cela signifie simplement que notre cadre social a un impact bien plus fort sur notre construction que le cadre naturel (qui n'existe plus — comme lorsqu'on débat du fait de manger de la viande, rappelons qu'on ne vit plus dans la forêt à dévorer de la viande crue...) et qu'il est difficile de se défaire de ce que toute une société nous incite à devenir.
Bien sûr qu'on peut finir par évoluer, mais cela demande généralement de passer par une phase de déconstruction, qui est souvent assez compliquée, notamment parce que personne ne nous pardonne jamais vraiment de ne pas nous plier aux stéréotypes liés à notre sexe. Combien de fois n'ai-je entendu que je ne devais pas me comporter comme ça, étant une femme... et pourtant je suis loin d'être un modèle de virilité. Juste, je m'exprime, je parle fort, je suis parfois vulgaire, je n'ai pas de problème pour parler de ma sexualité.
Pasta a écrit :Certaines personnes y accordent moins d’importance que d’autres. Par exemple moi, alors qu’il n’y a aucune femme pour faire le travail à ma place. Et non, ce n’est pas parce que j’ai le sentiment que les tâches ménagères menacent ma virilité.
Et donc, les hommes auraient un gène spécial qui font qu'ils n'aiment pas le ménage, ou qu'une maison bien rangée leur importe peu ?
Remettons les choses à leur place : si les femmes accordent (ce qui à mon sens n'est pas le cas) plus d'attention aux tâches ménagères, c'est également parce qu'on leur a inculqué qu'une femme doit être propre et aimer la propreté — et qu'elle doit se taper le boulot si l'autre ne le fait pas.
Quant à la question de l'importance des tâches, je te rappelle qu'on parle essentiellement de foyers avec enfants. On n'est pas en train de chipoter sur la nécessité de faire la vaisselle tout de suite ou de ranger dès qu'il y a un truc qui dépasse. Quand on a des enfants, les tâches ménagères c'est aussi et surtout s'occuper de leur espace, de leurs vêtements, etc. Et ça, toi tu as beau ne pas y accorder d'importance, crois-moi il est pourtant essentiel que tes enfants soient propres et qu'ils mangent bien.
Mais après tout, si monsieur est d'accord pour que les enfants aillent à l'école avec des fringues sales et en ayant mangé un sandwich, qui sont ces vilaines femmes qui osent s'y opposer ?
A chaque fois, tu refuses d'admettre que toutes ces réalités font partie d'un système. Tu renvoies systématiquement à l'individu, comme s'il n'y avait que des cas particuliers. La violence domestique, par exemple, ce ne sont pas QUE des cas particuliers, et le viol non plus. A un moment donné, des comportements systématiques et répétés disent quelque chose sur notre société, et il est dangereux de refuser de les voir.
C'est comme si je disais qu'après tout, si les personnes de couleur occupent en majorité des postes de vigile ou d'homme/femme de ménage, c'est parce qu'ils aiment ça. On peut refuser de voir que c'est parce qu'ils ne peuvent pas accéder à des études, on peut refuser de voir qu'on les embauche dans ces métiers parce que personne d'autre ne veut s'y coller et prétendre que ce ne sont que des cas particuliers, et voilà c'est tout, après tout les personnes de couleur n'ont qu'à faire autre chose, c'est leur faute s'ils se retrouvent à nettoyer mes toilettes le matin, non mais oh.
Pasta a écrit :
Tu es existentialiste quand on parle des éventuelles différences biologiques entre les sexes, mais tu deviens soudainement déterministe quand on parle de l’influence de la société.
Faux : si on est en train d'en discuter c'est bien parce que les choses peuvent évoluer, qu'on peut déconstruire ces préjugés et faire bouger les lignes (je pense par exemple aux catalogues de jouets qui commencent à être moins genrés, ce qui est la preuve d'une belle évolution).
Néanmoins, il me semble tout à fait évident que la culture a un impact bien plus fort sur notre construction que la nature. Nous sommes des êtres sociaux, nous ne vivons pas à l'état de nature, les femmes ne vivent pas en fonction de leurs cycles menstruels, les hommes savent très majoritairement contrôler leur agressivité (supposément apportée par la testostérone) donc s'il y a des comportements qui se répètent, je pense que ça a largement plus à voir avec la culture qu'avec la nature.
Et ce n'est qu'en admettant tout cela qu'on pourra avancer. Si on continue à nier l'évidence et à rester dans une perspective individualiste alors c'est là que le déterminisme sera le plus fort.
L'exemple de Traviata sur les élèves à qui on a parlé de dessin et de mathématiques n'évoque rien chez toi ? Tu ne te dis pas que si les filles échouent plus volontairement quand on leur parle de maths que de dessin, c'est peut-être parce qu'on leur a dit à un moment donné que les sciences, ce n'était pas fait pour elles ?
Pasta a écrit :
Inversement, comment se fait-il que nous ne soyons pas des mâles alpha qui ont tout réussi, si nous sommes tant privilégiés par la société ?
Ma réponse ne va pas te plaire : tu n'es peut-être pas un mâle alpha mais tu as des avantages, même si tu refuses de les voir.
Attention, ça risque de heurter ta sensibilité, mais voilà qui remet les choses au clair :
http://www.crepegeorgette.com/2014/10/0 ... -masculin/
Nous constatons que le garçon dés lors que son genre lui a été assigné, a des privilèges qui, certes lui échappent et dont il n'est pas responsable, mais dont il bénéficie bel et bien. Dés sa naissance, les qualités qui seront plus tard valorisées dans la réussite sociale, sont mises en avant et poussées. Son agressivité sera ainsi poussée et on la mettra plus tard en avant en expliquant qu'elle fait le bon leader. Par défaut, le masculin est l'universel et le féminin doit toujours être nommé pour exister. Ainsi il existe des blogs féminins, de la chick-lit, des magazines féminins. Il ne s'agit évidemment pas de tenir les garçons et hommes pour responsables de ces privilèges dont ils bénéficient bien malgré eux pour certains. Mais il s'agit de les nommer, les montrer et surtout tenter de les faire évoluer.
Bien évidemment l'étude des privilèges (de genre, de race, de classe etc) ne s'étudient qu'à autres privilèges égaux. Il n'aurait pas de sens, par exemple de comparer la situation d'un homme SDF et de Ségolène Royal.
Ce texte a avant tout pour but de montrer que ce qu'on appelle la domination masculine, le sexisme, sont des réalités. Nos sociétés élèvent leurs garçons en les considérant comme supérieurs aux filles et les préparent à avoir un rôle central dans la société alors que les femmes sont préparées à un rôle passif, subalterne.
Pasta a écrit :En plus de ça, il y a également les facteurs culturels, que je ne nie pas du tout. Ce n’est pas tout l’un ou tout l’autre, c’est un mélange des deux je pense. Mais après tout, quelle importance ? Il faut lutter contre les inégalités, les choses qui font que tout le monde n’a pas les mêmes chances au départ, mais au delà, pourquoi est-ce que cela est considéré comme un problème que les hommes et les femmes aient des aspirations différentes (au global encore une fois) ? Et est-ce que ça change quelque chose que ces différences de choix viennent de facteurs biologiques ou culturels ?
Ça change énormément de choses, et notamment la possibilité de s'extraire de ces schémas traditionnels.
Comment se sortir d'un déterminisme s'il est biologique ? Je ne peux rien faire face au fait que j'ai mes règles tous les mois. En revanche, si je sais que certains de mes comportements sont liés à ce que la société m'a dicté, alors il va m'être plus simple de remettre en cause le système et d'essayer de m'en affranchir.
Encore une fois, imagine si on disait ça des personnes de couleur. Cela ne te choquerait pas qu'on veuille affirmer l'idée que c'est leur biologie qui fait d'eux des personnes globalement socialement inférieures (en termes de CSP et rien d'autre, qu'on me comprenne bien) ?