Lux a écrit :je ne vois pas où tu veux en venir avec la comparaison avec les scénarios d'Hitchcock.
Oui, il me manquait des caractères pour aller au bout de ma démonstration.
Avoir le sens de l'intrigue et savoir créer des récits d'apparence organique (cad reproduire l'illusion que les personnages font ce qu'ils veulent, que ce sont
de vrais humains avec un libre arbitre, tout en suivant une construction narrative complexe et optimisée pour tenir en haleine) sur commande comme pouvaient le faire des surdoués comme Vian, ce n'est pas donné à tout le monde. Analyser humblement des pages-turner permet au moins de limiter certains dégâts pour les apprentis écrivains.
Par exemple, il y a un truc que les éditeurs voient tout de suite, c'est si les rebondissements sont maîtrisés.
Je dirais qu'il y a quatre principaux niveaux de qualité technique pour un rebondissement dans une intrigue :
Le rebondissement loupé (ce type de rebondissement m'attriste, je t'en avais déjà parlé ;)) :
In extremis, l'auteur case en vrac les infos juste avant son coup de théâtre. Ça donne dans le pire des cas un truc du genre « Mais en fait, son meilleur ami le détestait depuis toujours, il était jaloux de sa réussite. C'est alors qu'il se jeta sur lui avec un couteau... ». Le lecteur a soudainement l'impression que c'est son petit cousin qui lui raconte l'histoire. Ne riez pas, les éditeurs reçoivent ça tous les jours.
Les infos in-extremis pour justifier un rebondissement c'est le mal ;)
Le rebondissement neutre :
« Boum », un retournement de situation apparaît. Le lecteur est passif, il ne fait que recevoir l'info.
Pas terrible d'un point de vue du suspense, mais dans le cas d'un roman social ça ne pose aucun problème. Du moment que le lecteur a d'autres choses pour le maintenir captif, tout va bien.
Le bon rebondissement :
Le lecteur se doutait bien qu'il allait se passer quelque chose, mais l'auteur a multiplié les fausses pistes pour créer la surprise.
Le rebondissement magistral
Vous voyez Fight Club ? Brad Pitt et Edward Norton sont en fait la même personne, et ça fait deux heures qu'on nous le dit mais on n'a pas été fichu de prendre ça au premier degré.
Pourquoi c'est si beau ? Sûrement car ça imite l'ironie dramatique de la vie : la grosse claque que l'on se prend, ça fait longtemps qu'elle était là, suspendu au dessus de notre tête. Mais on n'a pas été fichu d'y prêter attention.
Même s'il n'est pas toujours souhaitable de pratiquer le rebondissement magistral, très peu d'auteurs sont capables de gérer cette dernière forme de rebondissement. C'est un exercice cérébral intense de réussir à mettre dix fois devant le nez du lecteur ce qu'il découvrira avec étonnement deux cents pages plus loin. Et le brave Musso, il en est capable.
Une bonne partie des lettrés considèrent à tort que Musso est un tâcheron qui ne sait pas écrire. Mais essayez ce genre de "tour de magie" de l'écriture pour voir ce que ça donne avec vous.
Mais oui tout à fait, ce n'est évidemment pas la qualité technique de l'intrigue qui fait un bon livre. Tout comme ce n'est pas la qualité esthétique des dessins et du découpage qui feront une bonne bd. C'est juste une forme de politesse pour le lecteur,
exactement comme un bon restaurateur ferait attention à la présentation des plats.
Le problème avec Musso, c'est qu'on repart le ventre vide et l'impression d'avoir perdu son temps. Mais c'est encore un jeune auteur, et ses livres s'améliorent tout de même. Qui sait ce qu'il écrira dans 20 ou 30 ans ?
@Hyperion : Il n'est plus dans ma bibliothèque. Mais si je retrouve le titre je te l'enverrai pas mp ;)