Très bonne intervention de Kyrie, je me permets d'intervenir même cela va impliquer quelques redites par rapport à lui.
Lux a écrit :Il est assez édifiant de constater qu'il n'y a que des hommes qui ont répondu à ce sujet.
" Edifiant ? "
Comme indiqué dans son message initial, Aurus adressait sa question " plus particulièrement aux hommes ", et, de fait, ceux concernés, via leur vécu, par la question, ont logiquement fait part de leur expérience.
Et pour qui se renseigne un minimum sur le sujet, oui, depuis des siècles la prostitution est majoritairement féminine, et les clients sont majoritairement des hommes. Tu ne vas pas tout de même pas nous faire croire que tu découvres cela...
Lux a écrit :pourquoi il vous semble si naturel d'envisager d'aller voir une escort quand vous n'arrivez pas à avoir de relations sexuelles.
Tellement naturel que pour pas mal de VTs, il y a eu des années de doutes, de peur, d'échecs, de questions sans réponses, de problèmes sans solutions avant d'en arriver à ce stade. Et je parle d'expérience, douze ans (et pas n'importe quelle période, celle de la vingtaine) sans connaître de proximité charnelle avec une femme, c'est TRES long.
Un truc perso qui me revient, une des rares fois où j'ai un peu évoqué mes frustrations à mon père (qui n'a jamais vraiment pris la peine de me guider en matière sentimentale, autant dire que niveau éducation, il s'est foiré sur ce plan), il m'avait un peu sèchement répliqué d'aller voir une prostituée.
Ca devait être trois ou quatre ans avant que je me retrouve effectivement face à une escort ; donc non, à ces mots, je ne me suis pas écrié " bon sang, mais c'est l'évidence même, ces femmes sont faites pour ça, hâtons-nous ! " Entre, il y a eu d'autres échecs, les mêmes questionnements, y compris éthiques, contrairement à ce tu sembles penser.
Par ailleurs, ma mère qui était présent à ce moment-là n'a pas donné de son de cloche différent (et elle aussi j'ai des motifs de rancune quant à son influence sur mon parcours).
Lux a écrit :La misère sexuelle n'est pas un argument suffisant, et je vous renvoie à ce lien pour y réfléchir : https://www.lemonde.fr/m-perso/article/ ... 97916.html
Salambo l'a déjà posté dans la section " Appel à témoins " il y a quelque temps de cela, et je maintiens que je le trouve bancal.
Lux a écrit :Ce n'est pas d'un manque de sexualité dont les gens souffrent sur ce forum
Je ne vais pas parler à la place des autres, mais dans mon cas, si, j'en souffre, au même titre que du manque affectif. Les deux sont distincts, mais vont souvent de pair.
La preuve, ceux qui ont eu recours à des escorts ne sont pas devenus du jour au lendemain des tombeurs qui n'ont plus aucun problème avec la gent féminine.
En quoi est-ce une preuve de l'absence de souffrance due à un manque de sexualité ? C'est juste une évidence, payer pour avoir un accès au sexe et y accéder parce qu'on est désiré par une femme ne relève pas du même processus.
Lux a écrit :Mais jamais je ne pourrai être du côté des clients de la prostitution, qui se moquent de savoir pourquoi la personne en face d'eux fait ce métier-là, pourquoi elle en est arrivée à cette situation.
Un point fondamental à rappeler : selon tout ce que j'ai lu et entendu pendant des années, bien avant mes 30 ans, et apparemment confirmé par mon bref échange avec l'escort, la majorité de la clientèle est constitué d'hommes mûrs et en couple. On peut évidemment s'interroger et critiquer leurs motivations et leur attitude, mais le public qui nous intéresse ici, ce sont les VTs qui y ont recours : il s'avère qu'ils sont une part minoritaire, et que généralement ils se retrouvent là, on ne le répètera jamais assez, parce qu'ils sont convaincus qu'ils n'ont pas d'autre issue.
Lux a écrit :Tu vois, Aurus, je l'ai fait de mon plein gré. Je demandais assez cher et personne ne me contraignait. J'étais simplement cette fille que je croyais être repoussante, grisée par la possibilité qu'on me paye pour coucher avec moi ; cette fille violée et agressée sexuellement plusieurs fois, qui savait bien qu'en tapinant au bar d'un grand hôtel parisien, j'allais finir avec une grosse liasse de billets et une estime de moi-même encore plus basse.
Donc, si je comprends bien, tu te disais en gros à l'époque " je suis trop moche, trop nulle, personne ne voudra jamais de moi, je vais faire payer pour avoir du sexe, c'est tout ce qui me reste comme option et je ne peux pas espérer mieux. "
Bizarrement, pour bon nombre d'hommes VTs (en tout cas, pour moi, c'est donc un fait), leur réflexion a été " je suis trop moche, trop nul, personne ne voudra jamais de moi, je vais payer pour avoir du sexe, c'est tout ce qui me reste comme option et je ne peux pas espérer mieux. "
Bref, malgré la différence de position dans le schéma, le processus reste le même, avec des individus en quelque sorte prisonniers de leurs parcours comptant leurs lots de traumatismes ainsi que des structures sociales en place bien avant leur naissance et évidemment bien plus puissantes qu'eux (structures que tu évoques très régulièrement dans tes messages). Le libre arbitre ayant dans tout cela une influence hélas réduite (enfin en ce qui me concerne, je juge que je n'étais pas super dégourdi, si on ajoute un environnement défavorable à son épanouissement, fatalement...).
Que tu préfères réserver ton empathie pour les prostituées, je n'ai aucun problème avec ça, mais il faudra que tu m'expliques pourquoi j'ai la désagréable sensation que tu t'obstines à faire de la clientèle un tout, y balançant les hommes VTs pour en faire, sans le dire explicitement, d'immondes s*lauds dont le seul but dans la vie est d'opprimer la gent féminine (même si par ailleurs, je ne dis pas que homme VT égale forcément " homme bien ").
Comme l'a très justement dit Kyrie, si en tant qu'homme VT on se retrouve à passer cette étape, le plus souvent, ce n'est absolument pas de gaieté de coeur. Si, personnellement, je devais être jugé pour cela, j'imagine que la personne la plus apte à le faire serait S., l'escort que j'ai vue.
Si je on me demandais comment je décrirais un monde idéal à mes yeux, je le décrirais entre autres comme un monde où personne ne serait contraint de se prostituer, mais aussi comme un endroit où personne ne se retrouverait VT à moins de l'avoir vraiment choisi.
Sauf que nous sommes dans un monde m*rdique à bien des égards, et que sur ces deux points, malgré mes efforts, je n'ai toujours pas de solution, ni à l'un ni à l'autre.
Je repense à l'une des dernières fois où j'ai croisé une des prostituées qu'on peut trouver tard dans les rues de ma ville (et qui doivent crever de froid ces temps-ci comme je l'ai écrit récemment à un ami), et qui avait tenté d'attirer mon attention avec une phrase chaleureuse un peu genre " Salut, tu es mignon dis-moi ". J'ai noté l'ironie de cette attirance (certes intéressée) de la gent féminine à mon égard émanant d'une femme dans une situation probablement peu enviable. Deux êtres en souffrance qui se frôlent...