Valsiny a écrit : ↑24 mai 2020, 23:15
Je réagis sur un détail, ce qui ne m'empêche pas de souscrire en tout à la critique des injonctions.
Qu'il existe une pression sociale à ce sujet ne signifie pas que tel qui s'épile répond à cette pression, et que tel autre qui n'aime pas les poils subit cette pression. Les modèles qui s'appliquent aux grands nombres sont peu pertinents à l'échelle individuelle. Si ce n'était pas le cas, le paysage des goûts et des couleurs serait très homogène, ce qu'il n'est pas. Aussi je ne parierais pas que, si nous obtenions qu'on cesse tout à fait d'embêter les femmes avec leurs poils, et que nous y parvenions à tel point que celui qui déclarerait que c'est dégoûtant passerait pour étrange, il resterait des gens qui n'aiment pas ça. Comme d'autres aujourd'hui n'aiment pas les corps imberbes.
Malgré tout, je pense qu'une société qui donne à voir beaucoup les corps, et uniquement certains corps (jeunes, minces et sans poils) influe largement sur la vision qu'on a des corps en général et sur les "goûts" qu'on se forge.
Je ne suis pas sûre qu'il y a 300 ans, il y avait tellement de gens qui étaient repoussés par les poils, par exemple, tout simplement car ils étaient une réalité avec laquelle tout le monde devait composer. C'est comme si on était gênés par les sourcils, en fait : ils sont là, et à moins qu'une mode arrive pour qu'on se les retire, je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens pour en être dégoûtés...
L'échelle individuelle, c'est justement ce qui nous reste dans une société où les goûts sont normés, pour dire "ah non mais moi c'est mon goût personnel". Comme d'ailleurs avec les pratiques sexuelles : je regardais la série the Deuce l'autre jour, qui parle de l'avènement du porno dans les années 70 et ses liens notamment avec la prostitution, et il y a cette réalisatrice de films X qui dit un jour : "mais en fait, qui finit systématiquement ses rapports sexuelles en éjaculant sur le visage de sa partenaire ? ou du moins, qui faisait ça avant qu'on leur en donne l'idée ?". La comparaison me semble juste : avant qu'on donne l'idée aux gens que les poils, c'est un truc qu'il faut retirer, je pense que ça faisait pour eux partie du corps humain. Et qu'il n'y avait donc pas à en être dégoûté ou passionné, à moins d'être fétichiste (ce qui reste rare).
On constate aussi de plus en plus de "dégoûts" face à la vue de sexes féminins normaux, parce que la pornographie a habitué beaucoup d'hommes et de femmes à penser qu'un sexe féminin doit ressembler à ci ou ça, alors que la réalité est beaucoup plus vaste — et encore une fois, avant de vivre dans une société où on voit des sexes en gros plan partout, les gens ne se demandaient pas tellement si le sexe de leur partenaire était beau ou pas. Il
était. Tout simplement.