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par Roulian
Homme de 46 ans non vierge
#246327
@Valsiny, c'est intéressant que tu t'appuies sur les couleurs, parce que cela fait exactement apparaître ce que bien des gens expliquent sur l'utilité des mots... dans un premier temps, lorsque l'on apprend les couleurs, un langage pauvre suffit, "bleu", "rouge", "vert", etc. Et puis, un jour, on se rend compte que ce langage n'est pas à même de rendre compte de la diversité des coloris possibles ; le rouge grenat n'est pas le rouge bordeaux, qui n'est pas le rouge corail, etc. Et, peut-être dans le même temps, on se rend compte qu'une autre problématique est qu'une couleur peut se retrouver entre deux couleurs. Mais une fois que l'on a ajouté le turquoise entre le vert et le bleu, il reste encore de la place entre deux teintes dont l'une des deux est "la nouvelle", etc.

Comme on parle de continu, on ne peut pas créer des mots à l'infini, au bout d'un certain temps on est bloqué. Mais pour autant, faut-il se priver de créer de nouveaux mots ? Bien entendu que non. Et cela veut dire que tout le monde doit les apprendre. Certes, c'est contraignant, et bien on le fait quand même, parce que quand tout le monde les utilise, on n'a l'air un peu bête si l'on est le seul à ne pas savoir de quoi l'on parle.

Il existe une controverse (à ma connaissance non tranchée) sur l'interaction exacte qu'il y a entre la perception des couleurs et l'aptitude du langage à les décrire. Pour certaines personnes, il existe une corrélation entre la capacité à disposer d'un champ lexical fourni et l'aptitude à percevoir et différencier les couleurs. Je ne sais pas s'ils ont raison ou pas, il n'empêche que je trouve cette idée assez contre-intuitive et plutôt troublante. Et si jamais c'est avéré, c'est une raison indiscutable pour favoriser le fait de nommer.

Toujours sur la langue, je n'ai aucun doute sur le fait qu'un écrivain d'aujourd'hui ou du passé disposera de nettement plus de vocabulaire que moi pour décrire, par exemple, une idéale première journée de printemps, et que par sa plume, il serait capable de me faire ressentir l'ambiance du moment. Parce qu'il sait jouer avec les mots et nommer des concepts, et les exprimer d'une façon qui échappe à ma créativité, mais qui saura parler à ma perception. Je ne vois pas pourquoi il en irait différemment lorsque cela concerne d'autres champs qui peuvent toucher ma perception ou mon ressenti.

Je suis d'accord avec toi pour dire que certaines mots sont mal choisis (en particulier, la demi-sexualité porte bien mal son nom de mon point de vue). Par contre, je ne te suis pas sur la fin de ton message. Aurais-tu un quelconque souci avec l'athéïsme ? Moi, pas du tout :sunglasses:
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par Valsiny
Homme de 36 ans vierge
#246363
Roulian a écrit : 28 sept. 2022, 10:08 @Valsiny, c'est intéressant que tu t'appuies sur les couleurs, parce que cela fait exactement apparaître ce que bien des gens expliquent sur l'utilité des mots... dans un premier temps, lorsque l'on apprend les couleurs, un langage pauvre suffit, "bleu", "rouge", "vert", etc. Et puis, un jour, on se rend compte que ce langage n'est pas à même de rendre compte de la diversité des coloris possibles ; le rouge grenat n'est pas le rouge bordeaux, qui n'est pas le rouge corail, etc. Et, peut-être dans le même temps, on se rend compte qu'une autre problématique est qu'une couleur peut se retrouver entre deux couleurs. Mais une fois que l'on a ajouté le turquoise entre le vert et le bleu, il reste encore de la place entre deux teintes dont l'une des deux est "la nouvelle", etc.
Si je comprends bien, selon toi, la multiplication des noms est nécessaire pour rendre compte d'un spectre. Selon moi, il n’y a pas de nécessité absolue. Il n’y a qu’un tropisme culturel qui nous fait réduire le langage au nom. Ce qui se vérifie ici, soit dit en passant, parce tu es la deuxième personne à poser une équivalence inconsciente entre mot et nom.

Pas de nécessité absolue. Parce que le sens ne s'élabore pas par addition de noms mais par développement de phrases, avec tout ce qu'elles comportent de figures et de modulations, et dans lesquelles les noms se trouvent bien souvent corrigés, modifiés, tirés dans un sens ou dans l'autre par association entre eux ou avec des mots qui ne sont pas des noms : adjectifs, verbes dont ils sont les sujets ou les compléments ; sans parler, à l'oral, du rythme, de l'intonation et de l'accompagnement de la gestuelle qui jouent un rôle aussi considérable que méconnu. Si bien que chacun a largement de quoi décrire de multiples rouges, avec la part de subjectivité que comporte la perception, sans avoir appris le nuancier officiel : rouge-rose, rouge clair, rouge violacé, rouge éclatant, couleur de terre cuite, couleur de sang, rouge comme les fraises, comme le vin, comme la rouille.

Je précise : absolue. Parce qu’il est évident qu’il existe des nécessités. L’artiste, le décorateur, ou n’importe qui dans tel contexte précis, peut avoir besoin du nuancier. Je ne suis pas contre son existence, pas plus que je ne désire l’abolition des noms, chose absurde. Mais j’essaye de faire voir deux choses, à propos des noms et surtout des noms de l’asexualité (je ne vois pas d’enjeux particuliers à propos des couleurs, ma comparaison est fortuite, je cherchais un autre spectre) :
1. que le dicible ne se réduit pas au nommable : on peut dire et se dire, et de manière riche, et même infiniment plus riche et juste, plus proche de la moire et de la labilité du réel, sans inventer des noms.
2. que la focalisation sur le nom, perçu comme seule voie de salut, soulève un certain nombre de problèmes qui m’intéresse en tant que progressiste : ils sont exposés dans mon message précédent.
Roulian a écrit : 28 sept. 2022, 10:08Comme on parle de continu, on ne peut pas créer des mots à l'infini, au bout d'un certain temps on est bloqué. Mais pour autant, faut-il se priver de créer de nouveaux mots ? Bien entendu que non. Et cela veut dire que tout le monde doit les apprendre. Certes, c'est contraignant, et bien on le fait quand même, parce que quand tout le monde les utilise, on n'a l'air un peu bête si l'on est le seul à ne pas savoir de quoi l'on parle.
Je ne veux priver personne, mais je ne veux pas me priver de critiquer certains choix. Et le choix de créer des noms n’implique absolument pas l’obligation pour les autres de les apprendre, et c’est justement, dans le cas qui nous occupe, un problème à prendre en compte (je l’ai développé dans mon précédent message).
Roulian a écrit : 28 sept. 2022, 10:08Il existe une controverse (à ma connaissance non tranchée) sur l'interaction exacte qu'il y a entre la perception des couleurs et l'aptitude du langage à les décrire. Pour certaines personnes, il existe une corrélation entre la capacité à disposer d'un champ lexical fourni et l'aptitude à percevoir et différencier les couleurs. Je ne sais pas s'ils ont raison ou pas, il n'empêche que je trouve cette idée assez contre-intuitive et plutôt troublante. Et si jamais c'est avéré, c'est une raison indiscutable pour favoriser le fait de nommer.
Tu penses peut-être à Sapir-Whorf, selon qui les représentations dépendent des langues. Sa thèses a depuis été largement débattue, critiquée, nuancée : difficile de prendre position, et mes dernières lectures remontent. Validons-la : on ne peut de toute façon en tirer argument pour lâcher la bride aux néologismes, parce que la langue ne se réduit pas aux noms, et parce que la comparaison trouve ici ses limites : repérer une différence entre deux asexuels ou deux couleurs ne pose évidemment pas les mêmes problèmes.
Roulian a écrit : 28 sept. 2022, 10:08Toujours sur la langue, je n'ai aucun doute sur le fait qu'un écrivain d'aujourd'hui ou du passé disposera de nettement plus de vocabulaire que moi pour décrire, par exemple, une idéale première journée de printemps, et que par sa plume, il serait capable de me faire ressentir l'ambiance du moment. Parce qu'il sait jouer avec les mots et nommer des concepts, et les exprimer d'une façon qui échappe à ma créativité, mais qui saura parler à ma perception. Je ne vois pas pourquoi il en irait différemment lorsque cela concerne d'autres champs qui peuvent toucher ma perception ou mon ressenti.
Moi non plus, encore que beaucoup de grands artistes usent d’un lexique courant et parfois plus limité que le lexique moyen (Racine est l’exemple extrême sans cesse rappelé : son vocabulaire est très pauvre). Encore une fois, parce que c’est la phrase qui exprime, qui dit, qui fouille le réel et le caresse au mieux. Le clavier du musicien est limité, la musique ne l’est pas. Mais qu’importe : je parle pas de connaître les mots qui existent, je parle d’en inventer. Et je ne suis pas si étonné, tout compte fait, de trouver bien moins de néologismes chez les écrivains que chez ceux qui manient la langue de bois.
Roulian a écrit : 28 sept. 2022, 10:08Je suis d'accord avec toi pour dire que certaines mots sont mal choisis (en particulier, la demi-sexualité porte bien mal son nom de mon point de vue). Par contre, je ne te suis pas sur la fin de ton message. Aurais-tu un quelconque souci avec l'athéïsme ? Moi, pas du tout 
J’avoue piteusement ne pas du tout comprendre cette question... :no_mouth:
par Mellow
Femme de 36 ans vierge
#246376
FakeChad a écrit :Ce n'est pas noir/blanc dans ma tête chacun est différent mais je pense qu'on ne se défini pas uniquement comme être humain par sa sexualité qui occupe au final que 1% de notre temps
Qui a dit que les asexuels se définissent uniquement ainsi en tant qu'humain ? C'est comme dire qu'on se définit uniquement en tant que gay ou hétérosexuel... je ne vois pas la pertinence. Ensuite, ton 1%... c'est bien plus que ça, ya qu'à voir l'hypersexualisation des media, les diverses conversations avec notre entourage et même ce forum qui montre bien l'impact de la misère sexuelle et affective dans nos vies.
Je trouve aussi amusant de dire que la sexualité est un spectre mais de chercher dans quel boite se mettre: un spectre n'a pas de boites
Ça t'amuses ? Pour quelqu'un qui n'aime pas se poser des questions, tu t'en poses beaucoup sur ce topic.
Pour résumer mon propos: vivez vos désirs plutôt que de vous questionner dessus
2 choses : Il est tout à fait possible de vivre ses désirs et de se poser des questions, ce n'est pas incompatible. Et s'il ne faut pas se poser de questions, à quoi sert ce forum ?


Valsiny, tu projettes simplement ton interprétation de ces termes sur tout le reste de la population. Moi je te parlais de témoignages, du concret. Toi, tu me parles de théories et de linguistique. Où sont donc ces asexuels emprisonnés et empoisonnés par ces termes ? Où sont donc les études sur ces asexuels ? Tout ça, c'est juste ton opinion. Moi je vais très bien, merci de t'en soucier. (Flemme de faire plein de citations)
Ah, et je n'ai pas dit que ces boîtes n'existaient pas, j'ai dit que certaines personnes ne s'identifient pas à une seule mais à plusieurs. Cela ne remet pas en question le fait que ces boîtes correspondent, individuellement, à beaucoup d'autres.
par Roulian
Homme de 46 ans non vierge
#246378
Je prévoyais de te répondre en MP @Valsiny car nos échanges faisaient dévier le sujet original, ce qui était problématique, mais puisque l'on a maintenant de la place (merci Mellow !), nous pouvons continuer ici.

Je te remercie pour la référence Sapir-Whorf, je ne m'en rappelais pas et ne l'aurais peut-être pas retrouvé tout seul, ou pas facilement.

Comme tu le fais apparaître, l'analogie avec les couleurs a ses limites. Si des spécialistes connaissent un nuancier et qu'un quidam n'a pas envie de connaître tout cela, effectivement, il n'est en rien obligé de le faire. Le décorateur ne se sentira pas blessé par cela. Cela ne sera pas la même chose pour une personne qui parle de ce qui concerne son identité. Comme le mentionne Mellow, outre des questions qui seraient plutôt d'ordre théorique/philosophique (chacun est libre de trouver cela intéressant ou pas), on parle de ressentis, de gens, de témoignages qui touchent à l'intime. Si l'on veut pouvoir s'adresser avec tact à son prochain et faire preuve d'empathie, il faut faire attention à ce que l'on formule, et on a besoin de tout ce que la langue peut nous offrir pour cela.

Pour ma dernière remarque où visiblement nous ne nous sommes pas compris, je fais une analogie, qui peut avoir ses limites, j'en conviens. Une personne athéiste est une personne qui n'est pas pourvue de croyance en une divinité (on pourra trouver que c'est bizarrement formulé, mais cette formulation est correcte). Certaines personnes n'auront aucun mal à interpréter cela comme un manque ou une privation. Acceptes-tu que des gens (ou, peut-être, toi ?) se définissent ainsi ? D'après ce que tu écris, ce serait non.