- 27 sept. 2009, 05:57
#16691
« Ne te moque pas de la masturbation ! C’est faire l’amour avec quelqu’un qu’on aime », disait un petit monsieur à lunettes noires.
Qu’on ne soit jamais seul dans son lit, je le comprends très bien : à moins d’un goût immodéré pour l’abstraction, nous nous laissons toujours glisser dans un flot de sensations et d’images qui nous font perdre de vue notre solitude effective. C’est d’ailleurs ce qui fait de l’onanisme ce lieu si particulier du plaisir humain, car l’organique et l’onirique s’y entremêlent et s’y fondent en une même réalité, tout à la fois sensible et virtuelle.
Mais s’agit-il toujours de « faire l’amour » ? J’ai plusieurs fois risqué la question au cours de bavardages intimes : « Tu penses à quoi, dis, quand tu te masturbes, toi ? Car moi… »
- Hé bien, moi, le fait est que je suis incapable d’atteindre au plaisir si je m’imagine avoir un rapport sexuel avec l’objet mes désirs. Ni fellation, ni coït, ni aucune des pratiques prescrites par la Philosophie du boudoir – qui a au moins le mérité d’être la plus totale exploration du corps – ne sont à même de me conduire à l’orgasme. Tout au plus, il y a une érection, et les sensations caractéristiques du début du crescendo, mais la montée en question n’a jamais lieu, les choses s’éternisent et la fatigue finit par l’emportée sur l’espoir de vaincre ce qu’il faut bien appeler ma « virginité imaginaire ».
Je parlais plus haut du goût de l’abstraction. Non pas que mon imagination me donne à voir des Kandinsky pour me faire jouir, loin de là, mais j’ai depuis longtemps fait le constat de mon incapacité totale à sortir d’un unique scénario, fantasmatique, dont l’origine remonte à des temps où mes souvenirs n’ont plus prise, et que je ressasse indéfiniment sans pouvoir en changer la structure profonde, ainsi qu’un petit air de musique sur lequel on n’en finit plus de composer des variations.
Ce scénario, totalement asexué dans son contenu manifeste, couvre sans doute un scénario sous-jacent, latent si l’on reprend les termes de Freud dans sa description du rêve, et pourrait bien être symptomatique de la peur d’un interdit moral, ou bien d’une peur profonde de l’acte sexuel. Il reste paradoxal que cette peur ou ce poids éthique soient aussi absents de ma vie consciente, d’où que je suis capable d’élaborer sans dégoût et sans gène un scénario où je suis en train d’avoir un acte sexuel, tout en étant incapable de donner à ce scénario la moindre charge libidinale.
Depuis quelques années, la fréquence de mes masturbations s’est considérablement atténuée, ainsi que la durée du crescendo en question et le plaisir pris lors de l’éjaculation – je ne sais plus bien si je puis encore parler d’orgasme. L’affaire est bouclée en deux ou trois minutes, et la satisfaction a depuis longtemps disparue au profit d’un puissant sentiment de déception. Je m’ennuie de ce scénario trop de fois répété, et je suis incapable d’en inventer aucun autre qui puisse m’offrir du plaisir, qu’il s’agisse d’une nouvelle histoire manifestement asexuée, ou, comme j’essaye encore quelque fois, d’un scénario explicitement sexuel.
Deux questions m’intéressent : quelles sont vos pensées à ce sujet ? Et à quoi pensez-vous, vous, lorsque vous vous masturbez ?
Qu’on ne soit jamais seul dans son lit, je le comprends très bien : à moins d’un goût immodéré pour l’abstraction, nous nous laissons toujours glisser dans un flot de sensations et d’images qui nous font perdre de vue notre solitude effective. C’est d’ailleurs ce qui fait de l’onanisme ce lieu si particulier du plaisir humain, car l’organique et l’onirique s’y entremêlent et s’y fondent en une même réalité, tout à la fois sensible et virtuelle.
Mais s’agit-il toujours de « faire l’amour » ? J’ai plusieurs fois risqué la question au cours de bavardages intimes : « Tu penses à quoi, dis, quand tu te masturbes, toi ? Car moi… »
- Hé bien, moi, le fait est que je suis incapable d’atteindre au plaisir si je m’imagine avoir un rapport sexuel avec l’objet mes désirs. Ni fellation, ni coït, ni aucune des pratiques prescrites par la Philosophie du boudoir – qui a au moins le mérité d’être la plus totale exploration du corps – ne sont à même de me conduire à l’orgasme. Tout au plus, il y a une érection, et les sensations caractéristiques du début du crescendo, mais la montée en question n’a jamais lieu, les choses s’éternisent et la fatigue finit par l’emportée sur l’espoir de vaincre ce qu’il faut bien appeler ma « virginité imaginaire ».
Je parlais plus haut du goût de l’abstraction. Non pas que mon imagination me donne à voir des Kandinsky pour me faire jouir, loin de là, mais j’ai depuis longtemps fait le constat de mon incapacité totale à sortir d’un unique scénario, fantasmatique, dont l’origine remonte à des temps où mes souvenirs n’ont plus prise, et que je ressasse indéfiniment sans pouvoir en changer la structure profonde, ainsi qu’un petit air de musique sur lequel on n’en finit plus de composer des variations.
Ce scénario, totalement asexué dans son contenu manifeste, couvre sans doute un scénario sous-jacent, latent si l’on reprend les termes de Freud dans sa description du rêve, et pourrait bien être symptomatique de la peur d’un interdit moral, ou bien d’une peur profonde de l’acte sexuel. Il reste paradoxal que cette peur ou ce poids éthique soient aussi absents de ma vie consciente, d’où que je suis capable d’élaborer sans dégoût et sans gène un scénario où je suis en train d’avoir un acte sexuel, tout en étant incapable de donner à ce scénario la moindre charge libidinale.
Depuis quelques années, la fréquence de mes masturbations s’est considérablement atténuée, ainsi que la durée du crescendo en question et le plaisir pris lors de l’éjaculation – je ne sais plus bien si je puis encore parler d’orgasme. L’affaire est bouclée en deux ou trois minutes, et la satisfaction a depuis longtemps disparue au profit d’un puissant sentiment de déception. Je m’ennuie de ce scénario trop de fois répété, et je suis incapable d’en inventer aucun autre qui puisse m’offrir du plaisir, qu’il s’agisse d’une nouvelle histoire manifestement asexuée, ou, comme j’essaye encore quelque fois, d’un scénario explicitement sexuel.
Deux questions m’intéressent : quelles sont vos pensées à ce sujet ? Et à quoi pensez-vous, vous, lorsque vous vous masturbez ?
Acta fabula est.