Eno a écrit : ↑11 janv. 2024, 05:36
Je connais déjà ces arguments Lux, mais ils ne me convainquent pas spécialement. Après oui, je suis d'accord que si ça se limite à quelques tracts militants, alors c'est une utilisation qu'on peut qualifier d'artistique, ça passe. Mais pour moi ça doit rester marginal, et ne pas être imposé comme le veulent certains groupes de pression. Genre ça :
Panneau.jpg
C'est juste moche et à moitié incompréhensible. Ça fait pitié, qui peut sérieusement défendre une aberration visuelle pareille ? Ça va à l'encontre de la clarté qui est le premier but d'une signalétique.
Ne parlons même pas de ceux qui inventent carrément des mots... comme si on pouvait tout charcuter à sa guise, et s'étonner ensuite de créer des réactions en retour. Il faut vraiment avoir une pensée complètement mégalo voire fasciste pour imposer contre vents et marées son idéologie à l'ensemble de la population, au mépris des règles communes qui sont la base d'une société civilisée.
Ce qui est délirant (et je le dis à dessein, car pour moi, on est dans le fantasme pur), c'est que tu parles de fascisme, d'obligation, de fait d'imposer des choses alors même qu'on vient de t'expliquer qu'au contraire, c'était bien l'Académie française qui avait imposé des règles en interdisant certains mots féminisés (par exemple autrice, qui existait au 17e siècle) pour la rendre plus masculine et faire entrer de l'idéologie dans la langue.
On nous serine à longueur de temps que la seule langue "idéologue", ce serait la langue des féministes, alors même que notre langue est le pur produit de déformations liées à des volontés politiques : volonté qu'elle soit masculinisée, volonté que l'argot disparaisse, volonté que le français supplante toutes les langues régionales, et j'en passe.
Vouloir prétendre que notre langue est une version première, pure, parfaite, qui n'aurait subi aucune modification pour des raisons d'idéologie est un pur fantasme, une construction mentale qui n'a aucune réalité scientifique.
Je ne dis pas que ça permettrait de justifier qu'on impose d'autres usages. Mais il faut réfléchir un peu avant de partir dans des diatribes qui traitent de fascistes des personnes qui désirent que la langue reflète l'ensemble des individus qui l'emploient.
Oui, la langue va continuer à bouger. A évoluer. Oui, peut-être grâce à des volontés féministes. Je ne pense pas que ce soit très grave, à vrai dire, d'autant que celles et ceux (oh mon dieu, je fais de l'écriture inclusive, je suis une sale fasciste !) qui militent pour cette langue plus inclusive n'ont absolument pas les moyens, aujourd'hui, de l'imposer. Le discours normatif, ambiant, reste celui de la langue masculine, où le masculin l'emporte sur le féminin, où on fait interdire le point médian par des ministres aussi bêtes que leurs pieds, etc.
Et ça me permet une dernière pirouette par rapport au sujet initial : je pense au contraire que l'écriture inclusive peut faire partie du débat sur la question du genre, car là encore, on est plutôt dans une pratique qui est personnelle et qui n'est, en général, imposée à personne. Je n'ai jamais vu d'endroit où on était forcé d'écrire en écriture inclusive — en revanche, des directives contre l'écriture inclusive, j'en ai connu, oui. Mais la réponse que je donnerai est la même que pour l'identité de genre : si certains ont envie d'écrire comme ça, au bout d'un moment, vous aurez beau essayer d'interdire et de ridiculiser, mais ils continueront à le faire. Et ça ne vous empêchera pas de vivre votre vie à vous et de continuer à écrire comme vous l'entendez. Pas la peine donc de s'exciter...